9 mars 2011

Mais pourquoi ils roulent à gauche ?

©Lima
Nos amis les Britanniques roulent à gauche. Nous, on roule à droite. Qui a tort, qui a raison, on sait pas trop. Le tout c'est de se mettre d'accord quand on se croise, enfin... déjà, il faut réussir à se croiser. Parce que si chacun garde son côté de la route jusqu'au bout, y'a pas de croisement possible mais juste un gros bisous de voitures et sûrement quelques insultes bilingues juste après.
Alors... qui tient le bon côté de la route ? Qui a l'esprit de contradiction sur-développé ?
La réponse est...


Ni l'un, ni l'autre. Ha ha ! La vraie question n'est pas de savoir quel est le bon côté pour rouler, mais pourquoi celui-ci plutôt que l'autre. Donc j'aurais pu mettre comme titre "pourquoi on roule à droite ?" ça aurai marché aussi (ou "roulé", comme vous voulez). Bref, on s'en fout, la question est là, dans les deux sens.

Il existe plusieurs théories pour expliquer le "pourquoi-donc" du côté de la route où il est amplement préférable de rouler, mais il n'y a pas de preuves concrètes.

La première de ces théories nous vient du Moyen-Âge, du temps des soldats à pieds, des cavaliers et autres chevaliers associés. La population étant à l'époque majoritairement droitière (et toujours aujourd'hui mais c'est pas le sujet), les soldats portaient leur épée à gauche pour pouvoir la dégainer de la main droite. Il était alors plus pratique de marcher (à pieds ou à cheval) sur le côté gauche des chemins pour pouvoir facilement parer une attaque qui viendrait de la droite, autrement dit de ceux qui viennent d'en face et qui, eux aussi, marche sur leur côté gauche du chemin. Ceci dit, il est aussi possible que les soldats à pieds marchaient à droite car s'ils dégainaient de la main droite, ils portaient leur bouclier de la main gauche, et en marchant à droite, ils étaient protégés par ceux-ci d'une attaque venant de l'autre côté du chemin. Bref, c'est pas très clair tout ça et le plus probable est que ces soldats marchaient au milieu, là où le chemin était le plus praticable, et qu'ils se débrouillaient pour parer les attaques comme ils pouvaient.
La première règlementation du trafic routier date du milieu du XIIIe siècle (croix-bâton-bâton-bâton) quand le pape Boniface VIII (vé-bâton-bâton-bâton) conseilla aux pèlerins de marcher sur le côté gauche de la route, édit papal qui poussa l'Europe à circuler de ce côté pendant quatre siècles.

La deuxième théorie nous vient tout droit des États-Unis de la fin du XVIIIe siècle : le Conestoga. Mais qu'est-ce que c'est que ce machin-là ? C'est un chariot à quatre roues tiré par 3 ou 4 paires de mules (donc 6 ou 8 bestiaux en tout, hein, logique) qui servait principalement au transport du blé en Pennsylvanie. Caractéristique de cet engin : il n'y a pas de siège pour le cocher. Arf, c'est malin ça. Mais rassurez-vous, le gars ne courrait pas à côté de son chariot et il ne se noyait pas non plus dans sa cargaison de blé pour diriger l'attelage. Il se plaçait simplement sur le cheval de gauche de la dernière paire. Pourquoi sur celui de gauche ? Et bien c'est sûrement encore une histoire de suprématie des droitiers sur les gauchers. Posté ainsi sur son cheval, il tenait son fouet de la main droite pour diriger les bêtes. Et cette position de conduite changea les habitudes de la route venues d'Europe et imposées par le pape quelques siècles plus tôt. En effet, les conducteurs de Conestoga se mirent à rouler à droite, à cause de leur position sur l'attelage mais surtout pour pouvoir surveiller le côté exposé à être frôlé par un autre chariot lors des croisements. Le Conestoga s'est vite répandu dans les États et pays voisins, et des engins similaires sont apparus en Europe. En 1792, la Pennsylvanie officialise la conduite à droite et le reste des États-Unis fera de même par la suite. En Europe, ce type de chariot est un succès et l'ambiance révolutionnaire de l'époque aide à contrecarrer une règle de conduite imposée par l'Église. Ainsi, à la fin du XVIIIe siècle, la France roule enfin à droite (alors qu'elle roulait à gauche jusque-là, si, si, si je vous le dis c'est que c'est pas faux).

Troisième théorie, la tactique de Napoléon Bonaparte (dit Napoléon Ier). En ces temps anciens où les deux armées belligérantes s'affrontaient face à face dans un champs (ou presque), il était de coutume que l'attaque parte du flanc gauche chez les deux ennemis. Les cavaliers portaient, comme déjà dit plus haut, leur épée à gauche, dégainaient de la main droite et étaient donc plus à l'aise avec une attaque venant à leur droite. Idem avec les mousquets, fusils et autres armes à feu, la main droite était bien souvent la plus forte et la plus précise. Donc les cavaliers les plus à gauche du bloc de soldats de leur armée partaient chatouiller l'ennemi en premier. C'est une attaque "par la gauche". Hors Napoléon, lui, il était gaucher. Et si on ne sait pas trop comment devait se comporter un soldat de base gaucher au sein de son armée et pendant les combats (peut-être qu'il n'y avait pas de gauchers du tout car réformés d'office, peut-être qu'ils étaient obligé de faire comme les droitiers, hein, c'est pas nouveau les gauchers contrarié qu'on force à être droitiers), pour Napoléon apparemment ça n'a pas posé trop de soucis vu qu'il a finit Empereur, bref. Fin tacticien, il eut l'idée d'entrainer ses troupes à attaquer d'abord par la droite (les cavaliers les plus à droite partaient en premier) pour surprendre l'ennemi. Lui-même étant gaucher, c'était plus facile, mais du coup il a du contrarier pas mal de droitiers... Peu importe car cette tactique fonctionna très bien. Il aurait donc ensuite imposé cette "conduite à droite" à tout son empire qui, à son apogée en 1811, était assez conséquent. Et il est possible aussi que ce soit un pied-de-nez aux Anglais, qui conduisent à gauche, et que Napoléon n'a jamais conquit.

Tout ceci c'est bien joli mais ça nous dit pas pourquoi nos amis les Anglais (si, si, c'est des potes à moi, enfin... sauf au rugby mais là je suis hors-sujet) continuent de rouler à gauche. Bon, ok, Napoléon tout ça, ok. Mais le Conestoga ? Ce fameux chariot multi-mules ? Alors ? C'était la grande mode niveau transport ! Impossible de passer à côté ! Et ben si. Les Anglais n'ont pas aimé, ils n'en ont pas voulu, trop encombrant. Ils lui ont préféré un chariot plus petit, avec une seule paire de chevaux et, la classe made in UK, un siège de postillon (c'est à dire, un coin de fesse pour le cocher). Le conducteur de ce petit attelage portait le fouet à la main droite, et afin de ne pas importuner ses passagers en les baffant par retour express de lanière de cuir, il se postait à droite et donc continuait de conduire à gauche.

Ensuite vinrent les premières automobiles... et ces premières auto avaient le frein à main à l'extérieur, du côté droit, simplement pour être serré plus fortement de la main droite. Le poste de conduite se trouvait à proximité du frein à main, donc à droite aussi (mais dedans la voiture, quand même).
Attends, attends... poste de conduite à droite... donc on s'est remis à conduire de l'autre côté de la route ? A gauche ??? Han ! Bah non. Poste de conduite à droite, frein à main à droite, conduite à droite. Tout à droite. Et comment on faisait pour dégainer son épée et chatouiller l'ennemi d'en face alors ??!? Non... mais là, ça devient n'imp' cette tartine. Oubliez les épées et tout ça. Sérieusement : volant et conduite à droite parce que les routes de l'époque étaient très étroites et quand deux de ces véhicules diaboliques allaient se croiser, il fallait aux conducteurs s'éloigner le plus possible de l'autre arrivant en sens inverse et, en même temps, vérifier que les roues de son propre chariot moto-propulsé ne quittaient pas la route en dur pour finir dans la gadoue du bas-côté. Et le reste de la voiture avec.
Ceci-dit, plus tard, le frein à main se retrouva au milieu de l'habitacle, comme il est aujourd'hui. Certains pays ont déplacé le siège conducteur (et le volant, et tout ce qui va avec) à gauche pour continuer à freiner-à-main de la main droite, d'autres comme les Britanniques et leur flegme légendaire se sont contentés de changer de main pour le frein. Et chacun a repris ses bonnes vieilles habitudes concernant le côté de la route, droite pour nous, gauche pour nos voisins d'outre-manche.

Et aujourd'hui, environ un tiers de la population mondiale vit dans des pays où la conduite se fait à gauche. Ce sont principalement d'anciennes colonies britanniques (mais pas tous).



En rouge : conduite à droite — En bleu : conduite à gauche




Il y aurait encore des trucs à dire, mais j'en garde pour plus tard.

4 commentaires:

  1. Oui, faut la manger du bon côté ^^

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  2. Mais pourquoi, diable, la tartine tombe-t-elle si souvent du côté de la confiture ? !
    Après tout on pourrait très bien dîner le matin et petit-déjeuner le soir ...
    Bon article.

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